dimanche 22 juillet 2007

28 mai 2004

J'ai enfilé ma Chawar, couvert ma tête d'un léger foulard.... pour venir vous écrire ce petit message au bureau. Il fait plus de 30°C, le temps est splendide...
Je suis installée dans le bureau du grand chef... il doit être à la maison en train de faire sa sieste... alors j'en profite!!

Je suis un peu fatiguée aujourd'hui, je n'ai pas suffisamment dormis ce matin, debout à 8h30... Je me suis installée seule dans le jardin. C'est à ce moment là de la journée que la lumière est la plus belle! J'ai aussi profité d'une petite heure de fraîcheur matinale avant la fournaise…

Je me suis achetée quatre paires de boucles d'oreilles pour pas grand chose... grandes négociations! j'ai du passer plus d'une heure dans le magasin... j'avais oublié les joies du marchandage... mais j'ai maintenant de belles boucles!! et une ballade de 200 mètres dans les jambes. Vous savez pas le droit d'aller se dégourdire les jambes au delà d'un rayon de 300 mètres de la maison...

Je file avant que le boss me surprenne affaler sur son bureau... avec un verre de thé... Non je plaisante, le boss, il est cool parfois un peu con comme n’importe quel chef !!

Je vais grignoter un peu, faire une sieste ou bouquiner plutôt. Je suis en train de lire "le voyage de Théo" de je ne sais plus qui... c'est un beau roman! petit Théo est gravement malade et part avec sa tante faire le tour du monde... très beau!
Je jouerai peut être au volley ball... et je crois que ce soir nous sommes invités à la Croix Rouge pour une kebbab party.

Merci Loulou pour ton petit mot, ça me fait plaisir de te lire… et le clebard, c’est Miss Poppy, notre chien à la maison… le chien le plus chanceux de Kaboul ! elle est complètement barjo, mais est adorable ! je soupçonne quelques expats inconscients de lui donner des substances illicites…

Nina dis moi ce qui te ferais plaisir d’avoir de Kaboul… J’ai hâte de t’écouter jouer du piano. Tes beaux morceaux me manquent.

Je vous aime
Marie

dimanche 13 mai 2007

26 mai 2004,

Je suis un peu seule face à mes déceptions et mes doutes parfois. Je vous sais présents malgré la distance qui nous sépare mais il nous est difficile de parler aussi librement qu’avant.

En fait… Voilà… Aujourd’hui je dénonce !

Dans l’ordre du jour de nos réunions hebdomadaires, un point revient souvent : le Nutella et autres gâteries… « Mais nous sommes en Afghanistan alors tu comprends…Un peu de Nutella au petit-déjeuner, ça nous aiderait à tenir…» Me dit-on. Quoi ?? c’est la cerise sur le gâteau ? je rêve !!! Ah s’il n’y avait que le Nutella…

Je m’occupe de tout, du bon fonctionnement des programmes à Kaboul jusqu’au petit bobo ou à la brusque petite envie de nos chers expatriés. Ils oublient évidemment que moi aussi je suis là pour la même raison qu’eux, aider des personnes à mieux vivre ou plutôt, que dis-je, à survivre...

Il y a aussi ces espèces de cow-boys, qui parlent sur un certain ton, qui, mains dans les poches crient sur tout ce qui bouge… Ils s’énervent, sautillent, s’excitent au moindre bruit suspect… Ils deviennent complètement paranos aux moindres nouvelles… Ils seraient prêts à enfermer tout le monde par sécurité !!!

Mission Kaboul… Mission d’urgence ??? vous dites ? humanitaire, d’urgence ?? quelle urgence ??? politico humanitaire ?? oui c’est ça, politico humanitaire !! toutes ces grosses bagnoles climatisées, ces peaux blanches partout avec ou sans le foulard, en débardeur ou en chawar… ces mecs armés jusqu’aux dents… Hautains, prétentieux, puants…messieurs en terrain acquis !!! et l’on ne cesse de parler de semaines en semaines, de réunion en réunion de la sécurité de chacun d’eux, de leur vie et petit confort à Kaboul. Nous sommes censés être là pour aider les Afghans et nous pensons qu’à nous, à nos petites vies étriquées d’occidentaux…

Les règles de sécurité, parlons en !!! Je ne peux plus faire deux pas dans la rue. Je devrais avoir constamment la peur au ventre, me méfier de tout, être aux aguets dans les embouteillages. Pas moyen de partager avec mes collègues afghans autre chose que du travail. Pas possible de connaître leur famille, leur maison, leur quartier…Trop dangereux, à part évidemment de rares exceptions. Tout cela me pèse. Sans prendre de risques inconsidérés, je veux vivre normalement. Je déteste sentir que ma vie vaut plus que celle des Afghans. Je me sens injustement surprotégée, pourquoi un tel traitement ? L’humanitaire, c’était payer mon tribut à tous les gens qui n’ont pas eu ma chance mais surtout pas en leur donnant l’impression de leur faire une faveur. Ici, c’est une vraie prison faite de bonne conscience et de gentils sentiments mais le tout derrière des vitres blindées.

Vous voyez, rien n’est simple et rien ne sera jamais simple ! Mais non, toutes ces prises de tête ne me feront pas oublier la raison pour laquelle je suis partie.

Le 2 mai 2004...

photo Andre - Kabul

...niveau 3 de sécurité.

… Tout va bien !!! je suis juste un peu cramée. Une fin de mois qui se termine par de nombreuses évaluations, une floppé d’imprévus. Les mouvements sur les bases sont momentanément interdits après ce qu’il s’est passé…

Je suis donc submergée… je dors peu… je suis à genoux !! j’espère que la semaine suivante sera plus calme !! Alors, vous comprendrez mes silences de ces derniers jours…
Je pars à Gulbahar dans le Pansheer ce week-end... prendre l’air… me reposer… voir de plus près Belle Nature ! J’attends une réponse pour le 30 juin, suspens… ! Une pause dans cette vie furieuse me fera le plus grand bien.

La lune est pleine, sublime, je la regarde chaque soir et pense à vous…très fort !

lundi 30 avril 2007

Gazac le 28 avril 2004

Photo Marie - Gazac

Une tortue à Gazac… près de Kaboul ! Seule au milieu de rien… comment a t-elle fait pour s’y perdre ?

Gazac est à quelques km de Kabul. C’est un endroit désertique… où s’accumule tous les déchets de la capitale afghanne, une décharge comme je n’en ai jamais vu auparavant… Nous sommes chargés de nettoyer cet endroit… ensablé et rocailleux !!

Je suis désolée de ne pas vous envoyer un long mot tout plein d’histoires, mais mon ventre m’en fait voire de toutes les couleurs…


Marie

mercredi 17 janvier 2007

Où est la terre des promesses ?

Photo Marie - Kaboul

"Son visage était plat, pourtant joli, avait déjà cet air morne oriental, vieilli ou sans âge, et quand elle avait éclaté en larmes, elle n’avait exprimé en fait que de la détresse, mais aucune vraie tristesse, aucun regret, aucune fierté farouche. Plus tard, j’eus l’occasion de rencontrer des Afghanes – avec et sans tchadri. La plupart se ressemblaient tellement que ma mémoire est incapable de les distinguer les unes des autres.
...
Car toutes les Afghanes se ressemblent, que ce soit dans les bazars, les rues poussiéreuses des villes et des villages ou dans les jardins clos des maisons particulières ... On voudrait bien apercevoir un visage, des yeux vifs, une belle bouche, un sourire, mais on ne peut qu’assister au passage furtif de ces grilles, tout en sachant que ces créatures apeurées et désemparées ne voient pas assez bien pour éviter les chameaux vacillants, les chevaux tintinnabulants des gadis, les hommes qui déambulent avec une joviale assurance – elles vivent dans une crainte permanente.
...

Photo Marie - Kaboul

Les écolières de Kaboul étaient des petites filles très douées, vives et réceptives, aussi intelligentes que les garçons, jolies, et leurs yeux étaient si brillants qu’il était difficile d’imaginer que ces petits visages si gracieux et attentifs seraient un jour rejetés dans l’ombre des murs d’un harem, dans la sinistre prison du tchadri. Il est possible qu’aujourd’hui en Europe nous soyons devenus sceptiques face à des slogans tels que liberté, responsabilité, égalité des droits pour tous. Mais il suffit d’avoir vu de près cette forme sournoise d’esclavage pour secouer comme un mauvais rêve son découragement et écouter à nouveau la voix de la raison, qui nous incite à croire aux valeurs simples d’une existence digne et humaine, et à les défendre."

Extrait de "Où est la terre des promesses ? - avec Ella Maillart en Afghanistan (1939-1940)" d'Anne-Marie Schwarzenbach

vendredi 12 janvier 2007

Première virée dans le pays de Massoud, la vallée du Pansheer

Marie - Gulbahar

Gulbahar, le 15/04 à 10h30

Le générateur vient de s’arrêter. La lampe à pétrole prends le relais… le silence… c’est calme !
Je suis sur la terrasse et je n’entends que les grillons… c’est magique ! Il fait nuit noir, je vois au loin deux, trois lumières, les lumières de Bagram. Ici, pas de klaxons, pas de chiens fous, pas de mollah fanatiques… enfin je verrais ça cette nuit !

La maison se trouve sur les hauteurs de Gulbahar et elle surplombe ce petit village et l’entrée de la vallée du Pansheer. C’est vraiment un endroit magnifique ! les mots me manquent…
Nous sommes arrivés cet après midi vers 17h. Le temps de poser les affaires et nous sommes partis à pieds découvrir ce petit village à l’entrée du Pansheer. Escortée par les enfants, j’ai découvert cet endroit… au pied des montagnes encore enneigées, avec sa rivière, ses immensités désertiques et verdoyantes par endroit. On s’est arrêté pour manger des kebbabs, les meilleurs que j’ai pu manger jusqu’à maintenant… Il ne faut surtout pas penser à ces gros morceaux de viande que l’on voit partout suspendu aux étales des boutiques… C’est vraiment pire qu’au Maroc.

Je suis très contente de me retrouver ici. Deux semaines à Kaboul et je ressens déjà le besoin de m’évader, de respirer un autre air. Cette ville est fantastique mais tellement folle… bruit, pollution, insécurité…
Ce pays regorge de richesses ! A deux heures seulement de Kaboul, et c’est un autre pays que je découvre…
Tout ça me paraît très irréaliste… un martini rouge en guise d’apéro, de la musique qui me rappelle mes moments en france… au fin fond de l’Afghanistan…
Il fait encore très bon, toujours pas de bruit, juste mon grillon, quelques papillons de nuit et d’autres volatiles inconnus…

Aujourd’hui j’ai vu des œufs rouges et des mamelles bleues de chèvres… Non je ne suis pas folle ! Je vous expliquerai à mon retour ! je vais aller me coucher ! une longue journée m’attends demains, des heures de marche dans la vallée… j’ai hâte !

Je vous aime
Marie

Marie - Vallée du Pansheer

Gulbahar, le 16 avril 2004 à 9h,

Ce matin, je me suis réveillée très tôt, 5h30. Pas de grasse matinée ! de toute façon ici c’est à exclure !
J’ai pris ma douche à l’ancienne, avec les seaux d’eau, le boukhari qui chauffe l’eau…

Il ne fait pas beau, c’est dommage ! mais ça m’est égal !

Hier en arrivant, j’ai vu des coquelicots, des petits arbustes de rosiers jaunes. Il y a beaucoup d’acacias ici, l’air en est parfumé… C’est délicieux après les gaz de Kaboul.

C’est la première fois depuis mon arrivée que je prends le temps, le temps de ne rien faire… Ma radio est éteinte, pas de portable, pas de caisse à surveiller… C’est génial ! Je n’entends que les oiseaux et quelques enfants jouer.

Je bois du thé chaud, boisson nationale !

J’ai l’impression que le mauvais temps fait mauvaise mine et a décidé de s’en aller. Je distingue mieux les pics enneigés. J’apprécie ce temps, il ne fait pas trop chaud, c’est reposant.

Je dois aller me préparer, enfiler mes super pataugas de baroudeuse pour notre rando dans la vallée. Un guide nous accompagne car il est important de ne pas sortir des sentiers battus car cette région est minée ! J’ouvrirai grand mes yeux, ma tête et mon cœur…

Marie - Gulbahar

Gulbahar, le 16 avril 2004 à 17h

Quelle rando !

Je me suis mise dans un coin, avec un thé bien chaud et je vais tout vous raconter, tout…
Après seulement 5min de piste dans cette vallée super étroite, on a passé la porte du Pansheer… Grandiose ! émouvant ! C’est encore un check point et Action Contre la Faim est aujourd’hui la seule ONG a pouvoir la passer. Traitement de faveur… du gouverneur local…
Un immense portrait de Massoud trône au-dessus de la porte, et de chaque côté, ceux des lions rugissants du Pansheer, c’est grandiloquent !

Les carcasses de chars se font plus nombreuses à mesure que l’on avance dans la vallée, de vrais champs de bataille. Les Russes ont pris une sacrée raclée par les troupes de Massoud ! et ne sont pas allés bien loin. Ces vestiges me rappellent combien ce pays a souffert !
On a rejoint une autre vallée dans le Pansheer, la vallée du Shetell. La voiture nous a laissé dans un petit village où nous avons été accueillis par une ribambelle d’enfants.
4h30 de marche, 4h30 d’enchantement ! l’Afghanistan est un pays fascinant, et je n’ai encore rien vu… Les Pachtouns sont accueillants et très chaleureux même s’ils sont considérés comme le peuple le plus dur d’Afghanistan.

Marie - poppy

Je ramène à Kaboul toutes ces images, ces odeurs, ces sons… J’ai fais le plein de vert… J’ai senti l’odeur de la terre, de l’herbe, de l’aubépine et d’autre plantes curieuses… du crottin de chèvres aussi !

Les roses n’ont jamais senti aussi bon qu’ici !

J’ai vu des centaines de variétés d’arbres, des acacias, des mûriers, des lauriers, des amandiers, des châtaigniers… des milliers de fleurs, des roses sauvages, des coquelicots, des violettes, des pavots… et même du genêt !

Demain départ très matinal à 5h30 pour Kaboul !

Marie

Kaboul le 7 avril 2004

Photo Marie - Shar-I-Nao, Kaboul

J’ai vécu ma première grande frayeur cette nuit ! Un tremblement de terre qui a bien duré un peu plus d’une minute. Dans le nord-est du pays, il s’est fortement fait ressentir, 6.8 sur l’échelle de Richter. Réveillée en pleine nuit, j’ai entendu un grondement, senti les murs et les objets bougeaient… J’ai pris ma lampe de poche (merci Papa…) et suis vite sortie de la maison… Après ça, impossible de dormir, dur, dur ! il faut que j’y prenne goût car ils sont assez fréquents ici…

Je vous écris de la maison (avantage de l’ordinateur portable). Je suis dans la pièce principale où se trouve la salle à manger, deux salons et un petit bar. Je suis dans un des salons, seule et sur ma droite un peu plus loin, des colocataires discutent dans la salle à manger. Ce soir exceptionnellement, dans cette grande pièce nous sommes que 6 dont 4 nouveaux qui viennent d’arriver de Bakou ce matin. Il y a Ania, responsable du programme santé, Arnaud administrateur RH, Daniel un sexagénaire Breton de Rennes. Il est ici depuis 5 mois et est là pour faire une évaluation sur un programme d’éducation à la santé. Enfin, il y a Albert qui vient de Cotonou et qui va travailler sur la base d’Hazaradjat (au nord-ouest de Kaboul). Le grand Hollandais, Louis est au sous-sol devant la télé. Certains sont sortis au resto ce soir, bien sûr toujours accompagnés d’un chauffeur et avec l’autorisation de 23h (couvre feu)… Ils sont sympas et font tout pour m’aider à bien m’intégrer. On doit vivre ensemble à la maison, bosser ensemble c’est un vrai challenge qui va parfois me rendre folle. Il est très important pour moi de trouver des moments, des lieux d’intimités, de recueil. Cet instant passé en retrait dans le jardin à vous lire m’a vraiment fait du bien même si j’avais le cœur gros. Pour l’instant je dors au sous-sol dans une chambre pas super. Je n’ai pas défait mes bagages. J’attends de pouvoir aménager dans une chambre à l’étage.Et là, je me ferais un endroit bien à moi, où je pourrais mettre toutes mes photos, les vôtre.



Photo Marie - Shar-I-Nao, Kaboul

Mince !! il est 23h30 est le générateur vient de s’éteindre… Heureusement, il me reste un peu de batterie. J’ai allumé la lampe à pétrole et j’ai avec moi ta lampe de poche, papa qui me sert bien ! brillante idée !
Je suis arrivée avec la pluie et bien vite le beau temps est arrivé. Il fait assez chaud et je pense que d’ici quelques semaines, les chemises longues et le foulard vont être durs à porter... Je vais apprécier de me balader en maillot sur la plage quand le moment sera venu…