dimanche 13 mai 2007

26 mai 2004,

Je suis un peu seule face à mes déceptions et mes doutes parfois. Je vous sais présents malgré la distance qui nous sépare mais il nous est difficile de parler aussi librement qu’avant.

En fait… Voilà… Aujourd’hui je dénonce !

Dans l’ordre du jour de nos réunions hebdomadaires, un point revient souvent : le Nutella et autres gâteries… « Mais nous sommes en Afghanistan alors tu comprends…Un peu de Nutella au petit-déjeuner, ça nous aiderait à tenir…» Me dit-on. Quoi ?? c’est la cerise sur le gâteau ? je rêve !!! Ah s’il n’y avait que le Nutella…

Je m’occupe de tout, du bon fonctionnement des programmes à Kaboul jusqu’au petit bobo ou à la brusque petite envie de nos chers expatriés. Ils oublient évidemment que moi aussi je suis là pour la même raison qu’eux, aider des personnes à mieux vivre ou plutôt, que dis-je, à survivre...

Il y a aussi ces espèces de cow-boys, qui parlent sur un certain ton, qui, mains dans les poches crient sur tout ce qui bouge… Ils s’énervent, sautillent, s’excitent au moindre bruit suspect… Ils deviennent complètement paranos aux moindres nouvelles… Ils seraient prêts à enfermer tout le monde par sécurité !!!

Mission Kaboul… Mission d’urgence ??? vous dites ? humanitaire, d’urgence ?? quelle urgence ??? politico humanitaire ?? oui c’est ça, politico humanitaire !! toutes ces grosses bagnoles climatisées, ces peaux blanches partout avec ou sans le foulard, en débardeur ou en chawar… ces mecs armés jusqu’aux dents… Hautains, prétentieux, puants…messieurs en terrain acquis !!! et l’on ne cesse de parler de semaines en semaines, de réunion en réunion de la sécurité de chacun d’eux, de leur vie et petit confort à Kaboul. Nous sommes censés être là pour aider les Afghans et nous pensons qu’à nous, à nos petites vies étriquées d’occidentaux…

Les règles de sécurité, parlons en !!! Je ne peux plus faire deux pas dans la rue. Je devrais avoir constamment la peur au ventre, me méfier de tout, être aux aguets dans les embouteillages. Pas moyen de partager avec mes collègues afghans autre chose que du travail. Pas possible de connaître leur famille, leur maison, leur quartier…Trop dangereux, à part évidemment de rares exceptions. Tout cela me pèse. Sans prendre de risques inconsidérés, je veux vivre normalement. Je déteste sentir que ma vie vaut plus que celle des Afghans. Je me sens injustement surprotégée, pourquoi un tel traitement ? L’humanitaire, c’était payer mon tribut à tous les gens qui n’ont pas eu ma chance mais surtout pas en leur donnant l’impression de leur faire une faveur. Ici, c’est une vraie prison faite de bonne conscience et de gentils sentiments mais le tout derrière des vitres blindées.

Vous voyez, rien n’est simple et rien ne sera jamais simple ! Mais non, toutes ces prises de tête ne me feront pas oublier la raison pour laquelle je suis partie.

Le 2 mai 2004...

photo Andre - Kabul

...niveau 3 de sécurité.

… Tout va bien !!! je suis juste un peu cramée. Une fin de mois qui se termine par de nombreuses évaluations, une floppé d’imprévus. Les mouvements sur les bases sont momentanément interdits après ce qu’il s’est passé…

Je suis donc submergée… je dors peu… je suis à genoux !! j’espère que la semaine suivante sera plus calme !! Alors, vous comprendrez mes silences de ces derniers jours…
Je pars à Gulbahar dans le Pansheer ce week-end... prendre l’air… me reposer… voir de plus près Belle Nature ! J’attends une réponse pour le 30 juin, suspens… ! Une pause dans cette vie furieuse me fera le plus grand bien.

La lune est pleine, sublime, je la regarde chaque soir et pense à vous…très fort !