mercredi 17 janvier 2007

Où est la terre des promesses ?

Photo Marie - Kaboul

"Son visage était plat, pourtant joli, avait déjà cet air morne oriental, vieilli ou sans âge, et quand elle avait éclaté en larmes, elle n’avait exprimé en fait que de la détresse, mais aucune vraie tristesse, aucun regret, aucune fierté farouche. Plus tard, j’eus l’occasion de rencontrer des Afghanes – avec et sans tchadri. La plupart se ressemblaient tellement que ma mémoire est incapable de les distinguer les unes des autres.
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Car toutes les Afghanes se ressemblent, que ce soit dans les bazars, les rues poussiéreuses des villes et des villages ou dans les jardins clos des maisons particulières ... On voudrait bien apercevoir un visage, des yeux vifs, une belle bouche, un sourire, mais on ne peut qu’assister au passage furtif de ces grilles, tout en sachant que ces créatures apeurées et désemparées ne voient pas assez bien pour éviter les chameaux vacillants, les chevaux tintinnabulants des gadis, les hommes qui déambulent avec une joviale assurance – elles vivent dans une crainte permanente.
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Photo Marie - Kaboul

Les écolières de Kaboul étaient des petites filles très douées, vives et réceptives, aussi intelligentes que les garçons, jolies, et leurs yeux étaient si brillants qu’il était difficile d’imaginer que ces petits visages si gracieux et attentifs seraient un jour rejetés dans l’ombre des murs d’un harem, dans la sinistre prison du tchadri. Il est possible qu’aujourd’hui en Europe nous soyons devenus sceptiques face à des slogans tels que liberté, responsabilité, égalité des droits pour tous. Mais il suffit d’avoir vu de près cette forme sournoise d’esclavage pour secouer comme un mauvais rêve son découragement et écouter à nouveau la voix de la raison, qui nous incite à croire aux valeurs simples d’une existence digne et humaine, et à les défendre."

Extrait de "Où est la terre des promesses ? - avec Ella Maillart en Afghanistan (1939-1940)" d'Anne-Marie Schwarzenbach

vendredi 12 janvier 2007

Première virée dans le pays de Massoud, la vallée du Pansheer

Marie - Gulbahar

Gulbahar, le 15/04 à 10h30

Le générateur vient de s’arrêter. La lampe à pétrole prends le relais… le silence… c’est calme !
Je suis sur la terrasse et je n’entends que les grillons… c’est magique ! Il fait nuit noir, je vois au loin deux, trois lumières, les lumières de Bagram. Ici, pas de klaxons, pas de chiens fous, pas de mollah fanatiques… enfin je verrais ça cette nuit !

La maison se trouve sur les hauteurs de Gulbahar et elle surplombe ce petit village et l’entrée de la vallée du Pansheer. C’est vraiment un endroit magnifique ! les mots me manquent…
Nous sommes arrivés cet après midi vers 17h. Le temps de poser les affaires et nous sommes partis à pieds découvrir ce petit village à l’entrée du Pansheer. Escortée par les enfants, j’ai découvert cet endroit… au pied des montagnes encore enneigées, avec sa rivière, ses immensités désertiques et verdoyantes par endroit. On s’est arrêté pour manger des kebbabs, les meilleurs que j’ai pu manger jusqu’à maintenant… Il ne faut surtout pas penser à ces gros morceaux de viande que l’on voit partout suspendu aux étales des boutiques… C’est vraiment pire qu’au Maroc.

Je suis très contente de me retrouver ici. Deux semaines à Kaboul et je ressens déjà le besoin de m’évader, de respirer un autre air. Cette ville est fantastique mais tellement folle… bruit, pollution, insécurité…
Ce pays regorge de richesses ! A deux heures seulement de Kaboul, et c’est un autre pays que je découvre…
Tout ça me paraît très irréaliste… un martini rouge en guise d’apéro, de la musique qui me rappelle mes moments en france… au fin fond de l’Afghanistan…
Il fait encore très bon, toujours pas de bruit, juste mon grillon, quelques papillons de nuit et d’autres volatiles inconnus…

Aujourd’hui j’ai vu des œufs rouges et des mamelles bleues de chèvres… Non je ne suis pas folle ! Je vous expliquerai à mon retour ! je vais aller me coucher ! une longue journée m’attends demains, des heures de marche dans la vallée… j’ai hâte !

Je vous aime
Marie

Marie - Vallée du Pansheer

Gulbahar, le 16 avril 2004 à 9h,

Ce matin, je me suis réveillée très tôt, 5h30. Pas de grasse matinée ! de toute façon ici c’est à exclure !
J’ai pris ma douche à l’ancienne, avec les seaux d’eau, le boukhari qui chauffe l’eau…

Il ne fait pas beau, c’est dommage ! mais ça m’est égal !

Hier en arrivant, j’ai vu des coquelicots, des petits arbustes de rosiers jaunes. Il y a beaucoup d’acacias ici, l’air en est parfumé… C’est délicieux après les gaz de Kaboul.

C’est la première fois depuis mon arrivée que je prends le temps, le temps de ne rien faire… Ma radio est éteinte, pas de portable, pas de caisse à surveiller… C’est génial ! Je n’entends que les oiseaux et quelques enfants jouer.

Je bois du thé chaud, boisson nationale !

J’ai l’impression que le mauvais temps fait mauvaise mine et a décidé de s’en aller. Je distingue mieux les pics enneigés. J’apprécie ce temps, il ne fait pas trop chaud, c’est reposant.

Je dois aller me préparer, enfiler mes super pataugas de baroudeuse pour notre rando dans la vallée. Un guide nous accompagne car il est important de ne pas sortir des sentiers battus car cette région est minée ! J’ouvrirai grand mes yeux, ma tête et mon cœur…

Marie - Gulbahar

Gulbahar, le 16 avril 2004 à 17h

Quelle rando !

Je me suis mise dans un coin, avec un thé bien chaud et je vais tout vous raconter, tout…
Après seulement 5min de piste dans cette vallée super étroite, on a passé la porte du Pansheer… Grandiose ! émouvant ! C’est encore un check point et Action Contre la Faim est aujourd’hui la seule ONG a pouvoir la passer. Traitement de faveur… du gouverneur local…
Un immense portrait de Massoud trône au-dessus de la porte, et de chaque côté, ceux des lions rugissants du Pansheer, c’est grandiloquent !

Les carcasses de chars se font plus nombreuses à mesure que l’on avance dans la vallée, de vrais champs de bataille. Les Russes ont pris une sacrée raclée par les troupes de Massoud ! et ne sont pas allés bien loin. Ces vestiges me rappellent combien ce pays a souffert !
On a rejoint une autre vallée dans le Pansheer, la vallée du Shetell. La voiture nous a laissé dans un petit village où nous avons été accueillis par une ribambelle d’enfants.
4h30 de marche, 4h30 d’enchantement ! l’Afghanistan est un pays fascinant, et je n’ai encore rien vu… Les Pachtouns sont accueillants et très chaleureux même s’ils sont considérés comme le peuple le plus dur d’Afghanistan.

Marie - poppy

Je ramène à Kaboul toutes ces images, ces odeurs, ces sons… J’ai fais le plein de vert… J’ai senti l’odeur de la terre, de l’herbe, de l’aubépine et d’autre plantes curieuses… du crottin de chèvres aussi !

Les roses n’ont jamais senti aussi bon qu’ici !

J’ai vu des centaines de variétés d’arbres, des acacias, des mûriers, des lauriers, des amandiers, des châtaigniers… des milliers de fleurs, des roses sauvages, des coquelicots, des violettes, des pavots… et même du genêt !

Demain départ très matinal à 5h30 pour Kaboul !

Marie

Kaboul le 7 avril 2004

Photo Marie - Shar-I-Nao, Kaboul

J’ai vécu ma première grande frayeur cette nuit ! Un tremblement de terre qui a bien duré un peu plus d’une minute. Dans le nord-est du pays, il s’est fortement fait ressentir, 6.8 sur l’échelle de Richter. Réveillée en pleine nuit, j’ai entendu un grondement, senti les murs et les objets bougeaient… J’ai pris ma lampe de poche (merci Papa…) et suis vite sortie de la maison… Après ça, impossible de dormir, dur, dur ! il faut que j’y prenne goût car ils sont assez fréquents ici…

Je vous écris de la maison (avantage de l’ordinateur portable). Je suis dans la pièce principale où se trouve la salle à manger, deux salons et un petit bar. Je suis dans un des salons, seule et sur ma droite un peu plus loin, des colocataires discutent dans la salle à manger. Ce soir exceptionnellement, dans cette grande pièce nous sommes que 6 dont 4 nouveaux qui viennent d’arriver de Bakou ce matin. Il y a Ania, responsable du programme santé, Arnaud administrateur RH, Daniel un sexagénaire Breton de Rennes. Il est ici depuis 5 mois et est là pour faire une évaluation sur un programme d’éducation à la santé. Enfin, il y a Albert qui vient de Cotonou et qui va travailler sur la base d’Hazaradjat (au nord-ouest de Kaboul). Le grand Hollandais, Louis est au sous-sol devant la télé. Certains sont sortis au resto ce soir, bien sûr toujours accompagnés d’un chauffeur et avec l’autorisation de 23h (couvre feu)… Ils sont sympas et font tout pour m’aider à bien m’intégrer. On doit vivre ensemble à la maison, bosser ensemble c’est un vrai challenge qui va parfois me rendre folle. Il est très important pour moi de trouver des moments, des lieux d’intimités, de recueil. Cet instant passé en retrait dans le jardin à vous lire m’a vraiment fait du bien même si j’avais le cœur gros. Pour l’instant je dors au sous-sol dans une chambre pas super. Je n’ai pas défait mes bagages. J’attends de pouvoir aménager dans une chambre à l’étage.Et là, je me ferais un endroit bien à moi, où je pourrais mettre toutes mes photos, les vôtre.



Photo Marie - Shar-I-Nao, Kaboul

Mince !! il est 23h30 est le générateur vient de s’éteindre… Heureusement, il me reste un peu de batterie. J’ai allumé la lampe à pétrole et j’ai avec moi ta lampe de poche, papa qui me sert bien ! brillante idée !
Je suis arrivée avec la pluie et bien vite le beau temps est arrivé. Il fait assez chaud et je pense que d’ici quelques semaines, les chemises longues et le foulard vont être durs à porter... Je vais apprécier de me balader en maillot sur la plage quand le moment sera venu…